Broderie participative

En parallèle de mes activités salariées, j’ai une activité d’artiste textile, inscrite à la Maison des Artistes depuis 2022. Cette activité secondaire me permet de m’exprimer par les arts du fil, de vendre des broderies et des prestations de services comme l’animation d’ateliers collectifs. Ce que je préfère, c’est concevoir et amorcer des broderies participatives et de voir l’ouvrage se développer grâce à la contribution de nombreux participants.

Broder, c’est quoi pour moi ?

  1. Ralentir : une broderie demande du temps et on se l’offre, ce temps. Une broderie convoque patience et persévérance.
  2. Changer d’échelle et de regard, c’est focaliser sur un détail, une miniature, puis découvrir une composition d’ensemble.
  3. Se projeter et visualiser un rendu final, tout en laissant la porte ouverte aux surprises des superpositions ou juxtapositions.
  4. Suivre minutieusement un plan, piquer de manière chirurgicale ou se laisser porter par l’instinct, l’envie du moment, et pourquoi pas aller jusqu’à crier ses émotions avec du fil !
  5. Marquer, piquer un message personnel ou politique, ennoblir un support, apposer ses initiales, personnaliser, se réapproprier ou subvertir un objet commun, se dévoiler aussi.
  6. Utiliser une trame et s’y conformer à points comptés, ou bien s’affranchir des rectitudes du tissu fait de chaîne et de trame, oser une broderie libre et aller jusqu’aux jours effilés, le vide.
  7. Perpétuer un art domestique et constituer un héritage, œuvrer, matérialiser le passage d’un être humain et d’une main sur un fragile ouvrage.
  8. Faire silence et souvent tergiverser, ressasser, redire, compter et conter, se faufiler d’une pensée à l’autre.
  9. Piquer et plonger dans l’autohypnose et l’addiction ! « Allez, encore une ligne, encore une aiguillée, encore un motif… »
  10. S’équiper, tester des tambours, des fils, des étoffes et des supports nouveaux, des aiguilles, des ciseaux, des lampes ou des lunettes, des lieux aussi. Choisir, se faire plaisir et mieux se connaître.
  11. S’organiser : les préparatifs, c’est 80% du travail.
  12. Se pencher et rectifier sa position pour mieux voir, ne pas avoir mal au dos ou des crampes dans les mains, se limer les ongles aussi pour ne pas que ça accroche.
  13. Se piquer le bout des doigts, réagir vivement et saigner parfois, se lécher le doigt et attendre que ça passe pour ne pas tâcher l’ouvrage avec du sang.

Un moyen « anodin » qui use de compétences diverses

Finalement, la broderie, c’est une histoire de savoir-faire, de corps et de pensées. Beaucoup plus poétique que le métier de chef de projet digital, on y retourve pourtant les compétences de :

Tapisserie participative réalisée avec la compagnie Sentimentale Foule
Tapisserie participative réalisée avec la compagnie Sentimentale Foule

La Broderie, c’est quoi exactement ?

Broder (bro-dé) verbe

  1. Faire avec l’aiguille, sur une étoffe, des dessins, des ouvrages en relief. Broder un chiffre, une fleur. Broder de soie, d’or. Broder au crochet (de Lunéville), au tambour.
  2. Écrire d’une écriture perlée et parfaitement formée, de manière à flatter l’œil.
  3. Fig. et familièrement, amplifier, embellir un récit. Broder une histoire, un conte. Broder sur un texte, amplifier un récit, une nouvelle.

La broderie est une méthode qui consiste à décorer à l’aiguille une structure préexistante faite de laine, parchemin, écorce, cuir, coton, lin… On la pratique à la main ou à la machine à partir du XIXème siècle.

Attention à ne pas confondre « tapisserie à l’aiguille » et broderie. La tapisserie à l’aiguille est un travail sur canevas que l’on appelle aussi « broderie à points comptés ». A l’origine, il s’agit d’une imitation des vraies tapisseries tissées.

Le terme « décorer » peut sembler péjoratif, en rapport à des apports inutiles, mais les premières décorations sont d’abord des messages cachés ou symboles protecteurs. La broderie assure alors la fonction de communication, d’exposition et de partage de croyances collectives ou personnelles.

Les origines de la broderie ?

Les plus anciens ouvrages brodés connus sont :

  • Des tuniques découvertes en Egypte, dans les tombeaux de Thoutmosis IV (-1400 ans) et de Toutankhamon (-1330 ans)
  • Des soieries et gazes brodées datées de -400 ans de Chine. L’échantillon mis au jour montre des points de chaînette rapprochés représentant des feuillages entrelacés, des oiseaux et des animaux fantastiques. Pour en savoir + : https://www.jessicagrimm.com/blog/chinese-embroidery
  • Des échantillons textiles datés du 8ème au 12ème siècle après JC, en Europe.

La broderie est à la fois un art domestique, essentiellement pratiqué par des femmes au foyer, et une activité professionnelle où l’on rencontre hommes et femmes dans des ateliers.

Aujourd’hui, le métier de brodeur·se est référencé dans la fiche métier B1804 – Réalisation d’ouvrages d’art en fils. Il ou elle « réalise ou ornemente à l’unité ou en petite série des ouvrages d’art en fils de différents matériaux (soie, laine, coton, plumes, perles, …) selon différentes techniques (broderie, tissage, …) ; peut réaliser, restaurer des ouvrages d’art textiles (tapis, tapisserie, …), concevoir de nouveaux modèles et former aux techniques ; peut diriger une structure. »

La broderie peut aussi être le médium de prédilection d’artistes plasticien·ne·s. Elle est la finalité du travail des peintres cartonnier·ière·s. Dans ce cas, le métier de référence est B1101 – Création en arts plastiques. La diffusion, la vente de travaux artistiques personnels et la reconnaissance du milieu professionnel, ainsi que l’adhésion à la Maison des Artistes, contribuent à la professionnalisation de cette activité.

Un art technique et méticuleux

Pour cette pratique comme pour beaucoup de productions artisanales, les préparatifs sont très importants : le matériel et le motif sont étudiés et soigneusement préparés avant le passage à l’aiguille.

Il existe 8 techniques textiles distinctes : le tissage, la tapisserie, le tapis noué, la broderie, la dentelle, le tricotage, le feutrage et le filet comprenant le crochet.

En ce qui concerne les points, on distingue 3 grandes familles :

  • Les points plats : le passé plat, le point de tige, le passé empiétant, le demi-point et le point de croix
  • Les points de chaînette comme le point de feston
  • Les points noués avec le point de nœud ou de poste

Il existe aussi la broderie ajourée qui n’est pas de la dentelle.
Et si vous me connaissez, vous savez que je ne fais pas dans la dentelle !

D’une méditation active à un matrimoine à transmettre

La broderie comme je la propose est une véritable « méditation active » : le corps se détend, l’esprit se pose et une trace tangible apparaît. Assis à la même table, les mains travaillent et les langues se délient.

Pour un faible coût d’investissement (le kit de démarrage tourne autour de 15€ neuf, avec aiguilles, un tambour et 3 échevettes, hors ciseaux), il est possible de passer des heures de détente, avec la petite fierté finale du « Et c’est moi qui l’ai fait ! ».